L’inflation imprévisible déstabilise les marchés
By Michael Mackenzie | mai 15, 2021Les changements de régime prennent généralement un certain temps avant d’être entièrement pris en compte par les investisseurs. Les importants sujets de discussion sur les marchés en ce moment concernent l’éventuel retour d’un niveau plus inquiétant d’inflation des prix à la consommation et les mesures de protection que les investisseurs devraient prendre à cet égard.
La tendance inflationniste sous-jacente est très importante pour les marchés financiers et le rendement des investisseurs. La hausse des cours des actions et des obligations au cours des dernières décennies s’est produite pendant une longue période de baisse des pressions inflationnistes et à la suite des efforts récents des banques centrales pour contre les chocs désinflationnistes depuis la crise financière.
Un an après la fermeture brutale de l’économie mondiale, les activités reprennent rapidement. Le résultat logique a été une augmentation des indicateurs d’inflation et cette semaine, une mesure des prix de base américains a enregistré son plus grand gain annuel depuis 1996, avec une augmentation de 3 %*.
Les indicateurs de base excluent les prix des denrées alimentaires et de l’énergie et sont considérés comme étant une mesure moins volatile de la pression inflationniste sous-jacente. Cependant, de nombreuses personnes qui ne sont pas des initiés du monde financier ont du mal à le comprendre à la caisse à l’épicerie et lorsqu’ils font le plein.
Ainsi, le bond significatif de la principale mesure a naturellement fait beaucoup de bruit, même en prenant compte de l’effet de base du bref choc déflationniste de la pandémie il y a un an.
L’inflation continuera de se faire sentir au cours des prochains mois, au fur et à mesure que les activités reprennent après les confinements, avec l’importante poussée de la relance budgétaire qui se fera sentir à tous les niveaux de l’économie.
Mais pour les investisseurs, il est difficile de jauger les perspectives d’inflation à ce stade.
« Il y a tellement de dislocations dans l’économie à la suite des réouvertures et des effets de base d’il y a un an qu’il faudra au moins six à douze mois avant d’avoir une vision claire de la tendance inflationniste sous-jacente », a déclaré Jason Bloom, responsable des stratégies de revenu fixe et de FNB alternatives chez Invesco.
Les investisseurs qui s’inquiètent aujourd’hui d’un choc inflationniste sont confrontés à un dilemme. Certains actifs considérés comme étant les couvertures traditionnelles d’un tel risque, comme les obligations indexées à l’inflation et les matières premières, ont déjà sensiblement augmenté. En fait, une période de forte inflation a déjà été anticipée dans une certaine mesure par les marchés
et le passé regorge d’avertissements pour ceux qui tardent à acheter la coûteuse indexation à l’inflation.
Les alarmes inflationnistes passées, lors des reprises économiques à la suite de l’éclatement de la bulle Internet au début des années 2000 et de la crise financière de 2008, se sont révélées être fausses. Après une récession heureusement brève associée à la pandémie, les puissantes tendances désinflationnistes bien ancrées, à savoir le vieillissement de la population et la baisse des coûts associés à l’innovation technologique, ne se sont en aucun cas amoindries.
Pour ces raisons, un certain nombre d’investisseurs et la Réserve fédérale américaine s’attendent à ce que les pressions inflationnistes de cette année se révèlent être « éphémères ». Mais faisant front à ces forces désinflationnistes est l’ampleur gargantuesque des politiques monétaires et budgétaires de la dernière année.
Les effets de la relance monétaire et budgétaire signifient que « l’inflation pourrait se chiffrer à un rythme de 2,5 % (annualisé), comparativement à une moyenne de 1,5 % avant la pandémie », a déclaré Jason Pride, directeur des investissements de patrimoine privé chez Glenmede Investment Management. « L’inflation sera plus élevée. Atteindra-t-elle de dangereux sommets? Non. »
Dans un contexte de croissance mieux établie et de pression inflationniste modérée, les actions en profiteront, en particulier les sociétés dont les bénéfices sont davantage corrélés au cycle économique. Les investisseurs chercheront également des sociétés en mesure de transmettre des prix plus élevés à leurs clients à court terme et d’atténuer la pression sur les marges bénéficiaires.
Pourtant, la possibilité d’une déconcertante période d’inflation élevée ne peut pas être écartée d’emblée. L’argument « éphémère » pourrait être remis en cause si la croissance économique continue sur sa lancée l’année prochaine, accompagnée d’une tendance de hausse des salaires de la part d’entreprises qui ont de la difficulté à attirer des travailleurs.
Avant d’atteindre ce point, l’inflation anticipée par le marché obligataire pourrait bien dépasser les sommets des vingt dernières années et entrer en territoire inconnu aux États-Unis, ainsi que sur d’autres marchés développés au Royaume-Uni et en Europe.
Les prévisions du marché obligataire concernant les futures pressions inflationnistes au cours des cinq à dix prochaines années ont déjà fortement augmenté au cours des derniers mois. Mais la reprise se fait à partir d’un bas niveau et pour l’instant, l’inflation anticipée ne dépasse pas démesurément l’objectif à long terme de 2 % de la Réserve fédérale américaine.
« Le changement des anticipations en matière d’inflation stimule le rendement des actifs », a déclaré Nicholas Johnson, gestionnaire de portefeuille de matières premières chez PIMCO. D’après des données obtenues sur près de 50 ans, un portefeuille détenant des actions et des obligations dégage un rendement inférieur lors de périodes d’inflation élevée, tandis que les actifs réels, y compris les obligations indexées sur l’inflation et les matières premières, en profitent, toujours selon le gestionnaire d’actifs.
« La plupart des investisseurs n’ont pas connu une période de hausse imprévue de l’inflation », a ajouté M. Johnson. Les clients posent davantage de questions sur la protection de leurs portefeuilles, mais leur exposition actuelle aux matières premières et autres actifs démontre qu’en général, les investisseurs « ne paient pas beaucoup de prime d’inflation ».
Cela peut toujours changer et la perspective d’un changement du régime d’inflation reste impossible à prévoir pour les investisseurs.
*La valeur de l’inflation de base a changé depuis la première publication.
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