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Surmonter la peur

Récemment, ma nièce et moi avons discuté de ses projets d’épargne et de placement. Je m’attendais à ce que la conversation tourne autour des valeurs respectives du CELI et du REER, mais ma nièce s’interrogeait beaucoup plus sur la pertinence d’investir quoi que ce soit dans les marchés, peu importe l’instrument choisi. Certains de ses placements de l’an dernier ayant fortement baissé, elle hésitait naturellement à investir davantage. En 2022, tous les investisseurs ont souffert du dégagement marqué des marchés boursiers et obligataires. De fait, les portefeuilles équilibrés ont connu l’une de leurs pires années depuis la crise financière de 2008 et l’une des dix années les plus mauvaises en un siècle.

Sans vouloir paraître lui dire comment investir son argent, je lui ai rappelé qu’historiquement, le fait de détenir au moins certains placements en actions procurait un meilleur rendement à long terme qu’un portefeuille composé uniquement de liquidités. Puisqu’elle venait de vivre son premier marché baissier, je comprenais néanmoins sa réticence à investir encore plus d’argent dans les marchés. Je me souvenais trop bien de la nervosité et des doutes qui m’avaient envahi après certaines des fortes chutes du marché des dernières décennies, comme l’éclatement de la bulle des technos en l’an 2000, la crise financière de 2008 et même le bref krach de la COVID début 2019. De tels événements sont inévitables sur les marchés, mais ils peuvent être imprévisibles et laissent souvent des cicatrices émotionnelles qui risquent d’avoir une influence négative sur notre comportement d’investisseur.

Aversion aux pertes

Le principe d’aversion aux pertes est l’une des grandes leçons qui ressortent de l’étude de la finance comportementale. Ce principe veut qu’une perte d’argent ou même la possibilité de perdre de l’argent engendre une douleur émotionnelle plus forte que la joie que nous ressentons en gagnant une somme équivalente. Cette peur de perdre mène les investisseurs à des comportements irrationnels. Cette inclinaison est tout à fait compréhensible, mais il importe que les investisseurs en soient conscients pour surmonter leur crainte.

L’avantage de conserver ses placements

Selon l’une des règles empiriques de l’investissement, il vaut mieux conserver ses placements à long terme que de tenter d’anticiper le marché. L’important est de rester concentré sur ses objectifs financiers à long terme en s’efforçant d’ignorer la volatilité à court terme des marchés. La magie des rendements composés n’opère que si vous conservez vos placements sur un horizon temporel plus long.

On en voudra pour preuve le résultat étonnant d’une étude interne menée par Fidelity Investments il y a quelques années pour déterminer quelle catégorie de clients avait obtenu le meilleur rendement. Cet examen a révélé que les investisseurs qui avaient oublié le mot de passe de leur compte affichaient la meilleure performance. Ceci vient du fait que ces clients avaient été contraints de ne rien changer à leurs placements (ne serait-ce que par accident) au lieu d’acheter et de vendre au gré des fluctuations à court terme du marché. Hélas, malgré tous nos efforts, nous finissons souvent par acheter à la hausse et vendre à la baisse sous l’emprise de la peur.

L’avantage de commencer tôt

En matière d’épargne et de placement, ma nièce a l’immense avantage d’être au début de la vingtaine. La croissance composée obtenue en commençant à investir tôt dans la vie ne peut malheureusement pas être rattrapée au fil du temps. L’argent que vous placez dans la vingtaine vous procurera plus de la moitié de la valeur de votre portefeuille à 65 ans, comme l’illustre ce graphique animé de visualcapitalist.com (en anglais seulement). La calculatrice d’intérêts composés de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario aide grandement les investisseurs à comprendre la valeur des rendements composés.   

Réévaluer votre tolérance au risque

Toutes ces règles d’or des placements sont importantes, mais si vous avez du mal à trouver le sommeil, vos investissements sont peut-être trop risqués pour vous. La forte baisse du marché durant la crise financière de 2008 m’a amenée à réévaluer ma propre tolérance au risque. Évidemment, j’avais pris en compte ma tolérance au risque quand j’ai commencé à investir, mais cette tolérance peut changer à la longue. En théorie, je me sentais à l’aise de prendre des risques parce que je savais que j’améliorais ainsi mon potentiel de rendement. Cependant, en pratique, j’ai pris conscience de mes limites en voyant la valeur de mon portefeuille chuter en très peu de temps.     

À mon avis, les investisseurs autonomes ont particulièrement intérêt à réévaluer leur tolérance au risque puisque les données montrent que bon nombre d’entre eux n’investissent que depuis peu. De plus, des sondages de la CVMO et de JD Power montrent qu’ils sont généralement beaucoup moins réticents à prendre des risques et plus disposés à acheter des cryptomonnaies, des actions individuelles et des parts de fonds à croissance élevée. Voici quelques statistiques intéressantes à leur sujet :

  • Seuls 50 % des investisseurs autonomes canadiens détiennent leur compte autogéré depuis au moins cinq ans, et 10 % des investisseurs ont ouvert leur compte durant la pandémie.[i]
  • Seuls 14 % des investisseurs autonomes se considèrent comme « prudents ».[ii]
  • 37 % des investisseurs autonomes canadiens de la génération Y détiennent des cryptomonnaies.[iii]

Si j’avais un conseil à donner à ma nièce et aux nombreux investisseurs de fraîche date qui ont vécu leur premier marché baissier, je leur dirais de continuer d’investir et de s’en tenir à leur plan à long terme, tout en s’assurant que le risque qu’ils prennent correspond à leur niveau de tolérance. Je leur dirais aussi de ne pas avoir peur de repenser et de modifier leur plan au fil du temps, puisqu’une longue route les attend.

 

Christine Zalzal
Vice-présidente principale et chef du Courtage en ligne et du patrimoine numérique
Patrimoine Aviso

[1] Sondage de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, Self-Directed Investors: Insights and Experiences (osc.ca) p. 3 et 9

[1] Sondage de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, Self-Directed Investors: Insights and Experiences (osc.ca) p. 4

[1] Sondage de JD Power, 2022 Canada Self-Directed Investor Satisfaction Study | J.D. Power (jdpower.com)